En novembre 1926, le sultan Moulay Youssef, arrière-grand-père du roi Mohammed VI, se rendit dans le Sud marocain jusqu'à Tiznit. Il arriva le 7 novembre à Agadir. Il y fit une entrée que les observateurs ont qualifiée de triomphale. A cette époque, Agadir se trouvait encore en zone dite d'insécurité et les routes étaient loin d'être faciles à emprunter. C'était il y a moins de 100 ans ! C'est dire les progrès accomplis durant un siècle.
Le sultan Moulay Youssef était le plus jeune fils du sultan Hassan Ier. Le 13 août 1912, le commissaire résident général du Maroc, Hubert Lyautey, véritable patron du pays, avait contraint son demi-frère Moulay Abdelhafid à abdiquer, "pour raisons de santé", après avoir signé le 30 mars le traité franco-marocain établissant le Protectorat français sur le Maroc. Car sa personnalité inquiétait Lyautey, qui lui préféra son jeune frère Moulay Youssef. Le lendemain, ce dernier devint sultan. Le voici ci-dessus aux côtés de Lyautey.
Quatorze ans plus tard, le 6 novembre 1926, le sultan Moulay Youssef quitta Marrakech, escorté notamment par le pacha El Glaoui. Il était accompagné de ses fils, dont le futur Mohammed V, qui devait lui succéder l'année suivante, à son décès. Il passa la nuit à Essaouira, qui se nommait à l'époque Mogador. Des réjouissances y furent organisées : fantasia, danses, festin, cadeaux.
Le lendemain, le sultan et sa suite prirent la direction d'Agadir. Ils empruntèrent une route empierrée sur la majorité du parcours, mais aux allures de piste sur certains tronçons, comme ici près de Tamri. Les caravanes circulaient encore en masse sur cette artère : 3'500 dromadaires y transitaient mensuellement, dans un sens et dans l'autre.
2'000 habitants seulement à Agadir
Moulay Youssef et sa suite déjeunèrent dans la bourgade de Tamanar. Selon les chroniqueurs, le sultan traversa sans encombres la zone tenue par la tribu des Ida Outanane qui était encore réputée dissidente, avant d'arriver à Agadir. La cité berbère ne comptait alors que moins de 2'000 habitants : 1'523 indigènes et 219 Européens, dont 214 Français.
La route qui arrivait d'Essaouira aboutissait au quartier de Founti, qui se trouvait alors sous la kasbah. C'était la rue principale, qui venait juste d'être goudronnée. Construite à flanc de coteau, elle surplombait la mer en longeant une haute muraille qui la protégeait des vagues. Elle n'était bordée de maisons que du côté de la montagne. Seuls quelques palmiers avaient été plantés côté Atlantique.
Entre la route et l'océan, l'autorité militaire avait permis à quelques commerçants de résider à Agadir avant son ouverture aux civils, et le Domaine de l'État leur avait loué des parcelles, à titre précaire et renouvelable, avec engagement de ne construire qu'en matériaux non durables...
Après avoir été acclamé par la population d'Agadir, Moulay Youssef quitta la petite cité d'alors, de bon matin, le 8 novembre, pour se rendre à Tiznit, accompagné du général Daugan, commandant du territoire de Marrakech. Sur tout le parcours, nous dit la chronique, les autochtones accoururent pour saluer le sultan, qui se déclara très satisfait de ces marques de loyauté. La contrée n'avait jamais été totalement soumise. Le souvenir des résistants à l'occupation française Ahmed Al-Hiba et Mereddi Rebbu y était encore vivace.
Le sultan envoya un télégramme au résident général, Théodore Steeg, qui venait de succéder à Hubert Lyautey et était demeuré à Rabat. "De Tiznit, point le plus au sud du Sous, dans la zone pacifiée de notre Empire, je vous envoie l'expression de ma plus belle et affectueuse amitié". Steeg lui répondit : "Ma joie est grande de constater l'enthousiaste accueil d'une population qui sait que le sultan vénéré du Maroc n'a pas de plus fidèle et respectueux ami que le représentant de la France".
A Biougra et à Taroudant
Le lendemain, 9 novembre, Moulay Youssef et sa suite prirent la direction de Biougra. Le sultan y passa en revue le goum, unité d'infanterie légère locale. "Sur tout le long parcours, des manifestations enthousiastes se sont produites", nous dit la chronique. Une piste conduisait à Taroudant. Elle était, nous dit-on, "en bon état" et pouvait être utilisée presque toute l'année depuis la construction du pont sur l'oued Souss à Aït Melloul.
L'arrivée à Taroudant fut triomphale. Le sultan y fut accueilli par les pachas et caïds, dont celui des "zones dissidentes". Toutes les fractions de l'Anti-Atlas avaient envoyé des représentants. "Des manifestations grandioses auxquelles ont pris part les troupes françaises, le tabor, un goum et deux mille cavaliers ont eu lieu".
Nos informations proviennent principalement du très intéressant site sur le passé d'Agadir de Marie-France Dartois, Lahssen Roussafi et Régine Caïs-Terrier ainsi que du Rapport de stage de Philippe Boniface de 1927
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