Les quatre centrales solaires Noor de Ouarzazate constituent un site d'une importance considérable, qui fut le plus grand au monde lors du début de sa construction, et qui s'inscrit dans le cadre du colossal effort marocain en matière d'énergie solaire, lancé dès 2009 lors d'une cérémonie présidée par le roi Mohammed VI. Ces centrales produisent 580 MW et fournissent ainsi de l’électricité verte à près de deux millions de Marocains. En 2017, l’agence marocaine pour l'énergie durable, Masen (Moroccan Agency for Sustainable Energy), a construit un bâtiment d’accueil et de conférence. Bien plus : un sensationnel parc à thème (notre image) est en construction, en catimini, pour en faire "une destination touristique incontournable". La scénographie est l'oeuvre des ateliers Adeline Rispal de Paris, déjà en charge de la muséographie du nouveau Musée de la reconstruction d'Agadir.
Les ateliers Rispal expliquent le parcours envisagé dans cette vidéo mise en ligne à fin 2020. Celui-ci proposera une "expérience de scénographie globale", pour accompagner le visiteur dans "une découverte physique, sensible, esthétique et intellectuelle" de la Cité solaire.
Le parcours commencera à l'est des centrales solaires (flèche à droite de notre image). Tout droit en direction de l'ouest, le visiteur sera accueilli au Masen Center, dénommé aussi "Bâtiment phare". Inaugurée en 2017, cette construction porte le label HQE (Haute qualité environnementale), la première d'Afrique. Le touriste intéressé y visitera deux expositions. La première lui présentera ce qu'est Masen, Agence marocaine pour l'énergie durable, et lui offrira les clés de compréhension du site.
Une seconde exposition, scientifique, dévoilera comment fonctionne la transformation du rayonnement solaire en électricité (notre image). Certains aspects du projet sont encore susceptibles de modifications. C'est pourquoi les ateliers Rispal utilisent le conditionnel pour préciser qu'un Musée du soleil pourrait être mis en place. Il éclairerait le visiteur sur l'histoire de l'astre à travers les civilisations.
Ce qui est certain, en revanche, est que le visiteur pourra prendre de la hauteur et jouir d'une vue panoramique sur le complexe solaire depuis le sommet de la Masen Tower, d'une taille de 45 mètres (notre photo).
Un véhicule l'amènera ensuite dans les allées de miroir géants, qui suivent la course du soleil dans un mouvement imperceptible. A l'aube, le visiteur assistera au spectacle grandiose du retournement des capteurs d'ouest en est (flèche de gauche de notre carte ci-dessus).
Etape suivante, en route vers le Masen Sun Park ! Ce parc à thème pédagogique est dessiné en reproduisant les frontières du Royaume (notre carte Google Maps de 2023 avec les limites du pays indiquées en rouge par nos soins, dessinées exactement sur les murs qui y ont été aménagés).
Le projet de Masen Sun Park ne repose pas sur du sable. Selon le site Skyscrapercity, il a été présenté en 2009 déjà au roi Mohammed VI. Et les images prises par satellite depuis lors montrent l'évolution des constructions.
Les ateliers Rispal annoncent que "des dispositifs scientifiques, anthropologiques et culturels" seront implantés selon la géographie du Royaume. A chaque intersection des méridiens et des parallèles (notre image), "des dispositifs d'observation poétiques et ludiques pourraient être installés". Ces formulations laissent la place à diverses interprétations et possibilités de concrétisations.
Trois autres aspects se révèlent d'ores et déjà plus concrets. Dans une pépinière et un jardin ethnobotanique (notre image Google Maps), le visiteur découvrira les vertus médicinales, aromatiques et cosmétiques des plantes. Dans les spirales, il pourra écouter le chant du soleil et celui des étoiles. Une oasis (notre première photo, tout en haut de ce message) dévoilera les spécificités de son écosystème naturel et culturel.
Sans doute en option, le visiteur pourra terminer sa visite en montgolfière pour prendre de nouveau de la hauteur. A la tombée de la nuit, en survolant la carte du Maroc du Sun Park, il découvrira qu'elle est dynamique (notre photo).
Ainsi qu'on le voit, le projet des ateliers Rispal répond parfaitement aux attentes que nous nous étions permis de présenter ici même, en février 2016. Les informations diffusées jusqu'ici au compte-goutte par les ateliers Rispal permettent d'imaginer un parcours à plusieurs variantes, selon le temps à disposition du visiteur et... son portemonnaie.
Reste à savoir à quelle date s'ouvrira le parc à thème annoncé, étant entendu que les travaux de détail de la scénographie sont complexes à réaliser si l'on entend assurer l'impact et la qualité nécessaires. Nommé par le roi Mohammed VI en décembre 2009 à la tête de l'agence Masen, Mustapha Bakkoury a lancé les travaux de réalisation des quatre centrales Noor de Ouarzazate, la dernière fois en avril 2017 (notre photo, aux côtés du roi).
Quatre ans plus tard, Bakkoury, également président de la Région Casablanca-Settat, tombait en disgrâce. Le souverain lui reprocherait une mauvaise gestion, en particulier quant aux délais. La centrale solaire de Midelt est par exemple en retard par rapport au calendrier. Ainsi que l'analyse le journal "Le Monde", non seulement les retards s'accumulent, mais aussi les pertes se creusent-elles.
Masen vend en effet son électricité au distributeur ONE à un tarif inférieur à son coût de production. Autre aspect : le choix de la technologie utilisée est mis en cause. Les deux premières centrales solaires de Ouarzazate sont composées de miroirs incurvés (notre image), qui reflètent les rayons du soleil, ce qui permet de stocker la chaleur de la journée et de fournir de l’énergie en soirée, lors du pic de consommation. Mais, en dix ans, le prix de l'autre technologie, celle des panneaux photovoltaïques, a chuté de 80 %, ce qui rend obsolète, économiquement parlant, les miroirs incurvés, technologie de pointe rattrapée par les réalités du marché.
Le Maroc entend porter la part des énergies renouvelables dans le mix électrique national à plus de 52 % à l'horizon 2030, également via l'éolien dont Masen a aussi la charge. L'ambition est énorme et nécessite un management extrêmement efficace. Exit donc Mustapha Bakkoury, sous le coup d'une enquête judiciaire. Le nouveau patron se nomme Tarik Hamane. Numéro 2 de Masen jusqu'à la mi-2022, celui-ci avait alors rejoint Total Eren pour être chargé de développement de l'hydrogène vert au sein du géant TotalEnergie. Le voici de retour. Il ne semble y avoir aucune raison que le si beau projet de parc à thème (notre image) s'en trouve modifié.
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