Précédée par la reconnaissance officielle, par la France, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, de la marocanité du Sahara occidental, confirmée solennellement devant les deux chambres réunies, la visite d'Etat d'Emmanuel Macron au Maroc, qui vient de se dérouler du 27 au 30 octobre, peut être qualifié de succès complet, tant par la qualité de l'accueil réservé par le roi Mohammed VI au président français (notre photo) que par la quantité d'accords signés entre les deux Etats, qui représenteraient une valeur de quelque 10 milliards d'euros. La grande réconciliation franco-marocaine aboutit notamment à la conclusion d'un protocole d'accord entre l'Office national des chemins de fer (ONCF) et Alstom en vue de la livraison de 18 rames pour la liaison TGV Kenitra-Marrakech qui devrait être opérationnelle avant la Coupe du monde 2030. Reste à savoir ce qu'il en sera du tracé LGV, en cours d'étude, entre Marrakech et Agadir.
Le futur contrat pour le tronçon Kenitra-Marrakech porte sur un tout nouveau modèle de TGV, nommé Avelia Horizon (notre image). S'ajoutant au "partenariat d’exception renforcé” qui a été annoncé et l'ancienneté de la présence d'Alstom au Maroc, qui a fourni le matériel roulant du parcours Tanger-Casablanca baptisé Al Boraq, lequel rencontre un énorme succès, les deux niveaux que comportent les rames Avelia se sont révélés décisifs. Ses concurrents, les espagnols CAF et Talgo, ainsi que le sud-coréen Hyundai Rotem ne proposaient qu'un seul niveau. De nombreux lots ferroviaires visés par ces sociétés, comme les trains intercités et les RER, restent à attribuer.
Au grand dam des Chinois, un temps donnés favoris, le protocole d'accord signé entre le PDG d'Alstom et le directeur général de l'ONCF (photo Ludovic Marin/AFP) prévoit la livraison d'un train unique au monde dans la mesure où les 740 places assises d'Avelia sur deux niveaux ne compromettent pas la vitesse de 300 km/h, ce qui permettra de répondre aux fortes affluences, tout en présentant un efficacité énergétique avancée.
Pour les passagers, l'attractivité du voyage sera maximale. Alstom précise que les vitres ont été agrandies pour une vue panoramique des paysages (notre image Alstom) et que l’éclairage s’adaptera à l’intensité de la lumière naturelle.
La question qui se pose est toutefois celle des délais de livraison.
La première exploitation commerciale du nouveau modèle de TGV du constructeur français est prévue, si tout va bien, en 2025 pour relier Paris et Marseille. Aux yeux de certains observateurs, l'horizon 2029 visé par le Maroc paraît très ambitieux, vu les multiples retards de production et de livraison que subit Alstom, dus aux effets à long terme du Covid-19 et à la crise des composants électroniques. Du côté du constructeur, on précise toutefois que la plateforme Avelia Horizon "permet d'adapter assez facilement les rames aux demandes des clients".
Qu'en est-il dans ce contexte du tronçon LGV Marrakech-Agadir ? Primitivement, un traçé englobant un passage par Essaouira avait été envisagé, avec une coopération chinoise (notre carte).
Le coût de l'opération avait été estimé à 2,1 milliards d'euros, dans un contexte persistant de concurrence entre Pékin et Paris.
Revirement début 2024 : chargée d'effectuer une étude de conception préliminaire sur les infrastructures de génie civil, l’équipement et le système d’exploitation, la société China Railway Design Corporation préconise un tracé sous l'Atlas, moyennant uniquement trois stations : à Sidi Zouine (est de Marrakech), Chichaoua et Agadir. La gare de la capitale du Souss est toujours prévue dans le quartier Al Mohammadi. Essaouira se sent floué. La société française Egis Rail, elle, doit superviser les études d’ingénierie civile, les installations techniques, les tunnels et l’exploitation.
Le tracé envisagé atteint 240 km (234,5 pour être précis). Il faudrait 26,3 km de ponts et quelque 30 km de tunnels, dont le plus long aurait 12,19 km. L'ONCF envisage un très intéressant trafic mixte : 320 km/h pour les trains voyageurs et 100 km/h pour les trains marchandises, ce qui nécessitera une gare de fret.
La question de la liaison ultérieure avec Taroudant et direction Guelmim devra être prise en compte (notre carte), cela à l'horizon 2040.
Hauteur estimée de la facture : 5 milliards d'euros. Le directeur général adjoint de l'ONCF admet que "certes, ces coûts sont élevés, mais ils peuvent être récupérés en 25 ans, notamment à partir des impôts, mais aussi des activités touristiques, industrielles, ainsi qu'à travers le PIB qui va croître".
Il reste qu'à ce jour, aucun montage financier n'a été publié. Alors qu'en termes de délais on estime que les rames Alstom arriveront tout juste avant la Coupe du monde s'agissant du tronçon Kenitra-Marrakech, le train n'est-il pas déjà passé pour la prolongation, avant 2030, de la liaison jusqu'à Agadir ?
Ou un événement inattendu a-t-il encore une chance de se produire ? Le chef du gouvernement et maire d'Agadir, Aziz Akhannouch, a-t-il un atout caché dans sa manche, lui qui a accompagné le président français lors de sa visite d'Etat (notre photo)? La loi de finances 2025 pourrait constituer une piste, de même que le plan de développement ferroviaire.
Ou encore les Chinois nous réservent-ils une surprise, eux qui semblent tenir mordicus à ce marché ?
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