Président de la commune urbaine d'Agadir, Salah El Malouki, représentant du PJD (Parti de la justice et du développement, islamiste modéré), est particulièrement contesté. On voit apparaître sur les réseaux la photo ci-dessus, qui en dit long sur la détestation qu'il peut engendrer. Elu en septembre 2015, dans l'élan islamiste qui suivit le "Printemmps arabe", El Malouki avait évincé le respecté socialiste Tariq Kabbage. Aux yeux de leurs détracteurs, ce professeur retraité de l’enseignement secondaire et ses adjoints passent soit pour laisser la ville à l'abandon, soit pour faire tout faux.
Quatre ans et demi après leur entrée en fonction, les réseaux sociaux foisonnent de violentes critiques sur leur gestion de la propreté de la ville, qui rime trop souvent avec insalubrité. D'innombrables témoignages font état de rues pleines de détritus, de bouteilles cassées et de poubelles laissées à l'abandon.
Ronds-points : tollé
Nombre de trottoirs sont défoncés. Beaucoup de routes ne sont plus à niveau dans une ville pourtant touristique. Des travaux ont finalement été entrepris. Mais c'est pire qu'avant !
Des ronds-points ont été dotés de pavés. Objectifs visés : apporter une touche esthétique et réduire la vitesse de la circulation. C'est raté (voir la vidéo ci-dessus). Les pavés étaient mal taillés et mal posés. Résultat : ça n'avait rien à voir avec la place de l'Etoile-Charles-de-Gaulle à Paris et ça ressemblait plutôt à des montagnes russes miniatures. Les usagers, et en particulier les chauffeurs de taxis, craignaient pour leurs pneus et la stabilité de leur véhicule. Les piétons, eux, n'osaient pas s'aventurer sur ce dangereux revêtement. Les trottoirs n'étaient pas davantage appréciés.
Le ballet des bulldozers
Face au tollé, la si brillante Municipalité d'Agadir a décidé de faire démolir ces étranges aménagements. Les Gadiris ont donc eu droit au ballet des bulldozers (photo ci-dessus).
Ils s'interrogent évidemment sur le coût de ces opérations d'aménagement, de démontage et de réaménagement, ainsi que sur les marchés passés préalablement avec les entreprises fautives et donc sur les éventuelles opérations de corruption qui auraient pu survenir, même si rien n'est avéré.
La partie émergée de l'iceberg
La saleté de certaines rues et la mauvaise gestion des travaux publics ne seraient toutefois que la partie émergée de l'iceberg.
L'inaction reprochée à l'équipe en place se décline en une longue liste de récriminations : absence de vision urbanistique, taux élevé de chômage, abandon des jeunes à leur sort, stagnation économique en dépit du tourisme national et international, incapacité à s'imposer entre les intérêts des hôteliers et ceux des artisans et des taxis ou encore projets inachevés. Agadir n'a toujours pas de palais des congrès, de théâtre ni de salle de cinéma digne de ce nom.
C'est pourquoi, conscients des énormes potentialités, non exploitées, de l'agglomération, les habitants de la ville attendaient impatiemment l'étape gadirie des visites royales pour assurer le redémarrage de la cité, tant il est avéré que seul le souverain a la capacité de lancer et de faire respecter la réalisation des projets publics et leur délai d'achèvement. Ainsi que de taper sur la table si c'est nécessaire, comme il l'a fait encore récemment à Marrakech où les retards constatés ont suscité une de ses formidables (et salutaires) colères.
La visite royale était attendue en décembre, puis en janvier. Elle a été reportée à maintes reprises. Entre-temps, Essaouira, la juive sous le vent, rivale historique d'Agadir, a bénéficié, entre autres, du lancement, par Mohammedi VI, de l'ambitieuse Cité des arts et de la culture, ainsi que de sa bénédiction touchant la restauration en cours de la Médina.
On prévoyait que le roi aurait un agenda chargé dans la capitale du Sud. On trompétait qu'après s'être engagé, lors de son discours de la 44e Marche verte, pour qu'Agadir et le Souss-Massa ne soient plus délaissés, Mohammed VI allait inaugurer de nombreux projets socio-économiques : zone franche industrielle, plan d’accélération industrielle et programme intégré du grand Agadir. La Cité des métiers et des compétences serait annoncée.
Maquillage
Les autorités locales n'ont pas lésiné sur la peinture pour faire illusion quant aux trottoirs, fabriquer dans l'urgence des rond-points (photo ci-dessus) et maquiller leur propre impéritie. Les Gadiris, sourire en coin, n'étaient pas dupes. Ce qui ne les empêchait pas d'espérer que le roi se déplacerait pour mettre de l’ordre dans la gestion de la ville et pousserait ses responsables à prendre conscience de l’ampleur du travail à entreprendre.
Patatras ! Sa Majesté ne viendra pas, parce que rien n'est prêt. Les drapeaux viennent d'être enlevés et des dizaines de cars de police et de gendarmerie, venus en renfort, ont quitté Agadir...
Le nouveau souffle attendu est reporté. Et l'annulation de la visite royale résonne comme une claque pour le pouvoir local du PJD. Avant une autre claque dans les urnes, en 2021 ?
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