La démarche est incompréhensible. La Ville d'Agadir vient en effet de se doter d'un nouveau logo (première photo), dont elle est apparemment très fière. Problème : un logo avait déjà été créé il y a un peu plus de dix ans ! Le trait bleu incurvé qui le constituait (deuxième photo) faisait référence à la baie d'Agadir. D'ordinaire, un logo est valable... pour l'éternité. Il arrive qu'il bénéficie d'une légère adaptation. En faisant réaliser une image complètement nouvelle si peu de temps après la première, la cité berbère vient de jeter l'argent par les fenêtres, alors qu'il y aurait tant d'autres initiatives à réaliser. Reste que le nouveau logo est assez réussi.
Ce n'est pas étonnant. Le nouveau logo d’Agadir a en effet été réalisé par une pointure marocaine, le célèbre artiste-peintre Mohamed Melehi (première photo). Figure de proue de l'art contemporain marocain et imprégné par l'héritage culturel du Royaume, il avait connu la consécration internationale, en début d'année, lorsque sa peinture intitulée "The Blacks" datant de 1963 (deuxième photo) avait été adjugée un demi-million d'euros lors d’une vente aux enchères de Sotheby’s.
Très peu de temps après la présentation de sa création, Mohamed Melehi vient malheureusement de décéder du COVID-19 à Paris.
Une inspiration berbère
Le nouveau logotype demeure marqué par la couleur bleue et s'impose par les courbes et les ondulations qui font la signature de l'artiste. Celui-ci a dit s'être inspiré de la fibule berbère si caractéristique de l'identité de la Région de Souss Massa, qu'il a retournée, et qu'on peut admirer par exemple dans notre suite Tiznit (troisième photo). Nombre de Berbères d'Agadir critiquent toutefois le fait qu'ils voient dans le logo le nom "Agdair" écrit en lettres arabes, ce qui n'est effectivement ni malin ni adéquat. L'un d'eux en conclut en conséquence qu'il s'agit d'un "logo importé de l'Orient".
Quoi qu'il en soit, la lettre A du nom Agadir s'affirme d'entrée. Selon son créateur, elle fait aussi référence aux architectes qui ont rebâti la ville après le tremblement de terre de 1960. La forme du cône représente l'Atlas et l'arganier, autre emblème régional. La mer et le soleil, atouts naturels d'Agadir, complètent l'ensemble. Le nouveau logo atteint dès lors son objectif : être reconnaissable au premier coup d'oeil. Il est par ailleurs accompagné du nom de la ville également en tifinaght (berbère), ce qui n'était pas le cas de l'ancien logo. Pour être juste, il convient de savoir que ce dernier ne comprenait aucune référence au monde amazigh (berbère), ce que j'avais d'ailleurs critiqué à l'époque.
Une mauvaise querelle a été faite à l'artiste sur les réseaux sociaux. Certains ont crié au plagiat, y voyant la copie d'un logo de la ville du Caire qu'on ne trouvait d'ailleurs pas sur Internet avant cette accusation gratuite et infondée.
Dans ce dossier, le scandale ne provient pas de la création artistique de Mohamed Melehi mais bien de la manière dont, une fois de plus, la Municipalité d'Agadir a agi.
Le logo conçu il y a plus de dix ans par l'agence française Dragon Rouge s'est répandu entre-temps partout sur le mobilier urbain, ultra contemporain, créé à l'époque par Hicham Lahlou : totems de signalisation (première photo), kiosques (deuxième photo), abribus (troisième photo), garde-corps, parc à vélos, grilles d’arbres, bouches d'égout, poubelles et jusqu'au courrier à lettre.
« Une identité visuelle prend énormément de temps pour s’affirmer au niveau national et international. L’ancien logo commençait déjà à se faire connaître. Combien de temps faudra-t-il pour promouvoir le nouveau ? », se demande Mostafa El Yassa, ancien vice-président de la commune d’Agadir. Et, surtout, quel sera le prix à payer découlant du remplacement du logo sur tant de supports, dont on aurait bien pu se passer ?
La plus grande des opacités
Le projet de nouvelle identité visuelle d'Agadir a été confié à l’entreprise CMOOA Ambitions, dirigée par Hicham Daoudi, qui serait un collectionneur influent. Or aucun appel d'offre n'aurait été lancé et l'affaire se serait conclue dans la plus grande des opacités. Les milieux artistiques gadiris comparent ce dossier avec celui du logo du train TGV nommé "Boraq", remporté sur concours par un jeune étudiant d'Agadir, Rachid Bouderka.
Quant au coût de l'opération, il n'a pas été dévoilé. Le maire de la ville, Salah El Malouki, s'est refusé à toute déclaration sur le sujet. Le dossier du logo gadiri vient simplement s'ajouter aux innombrables reproches adressés aux islamistes modérés (PJD), aux commandes de la ville.
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