Le Maroc compte quatre tanneries : celle de Fès, la plus connue, celle de Meknès, celle de Marrakech et enfin celle de Taroudant, la ville aux murailles, qui fut brièvement capitale culturelle du pays sous les Saâdiens. Entrons dans cette dernière pour pénétrer ses mystères.
L'actuelle tannerie de Taroudant, dont on voit l'entrée sur la première photo, a remplacé il y a 20 ans l’ancienne, devenue trop vétuste. Elle est située juste en dehors des murailles, à quelques dizaines de mètres au nord de Bab Targhount. Sur Google Maps, on la trouve sous l'appellation Dar Debagh, maison d'un vendeur de cuir en gros. On y a accède en une cinquantaine de minutes depuis Le Jardin aux Etoiles.
Taroudant a gardé de son passé l’art de travailler la peau des moutons et des chèvres selon les recettes les plus anciennes. Les tanneurs, qui vous expliqueront volontiers leur travail, n'utilisent aucune machine. Toutes les opérations se font à la force des bras (deuxième photo).
Ainsi que le montrent les images ci-dessus, ces opérations sont multiples et complexes. Achetée aux éleveurs entre 10 et 20 dirhams la pièce, la peau est d'abord lavée au savon puis trempée dans du gros sel pendant deux jours, avant d'être rincée à l'eau. De la farine de pierre d'alun concassée y est étalée, avant qu'elle soit mise à sécher au soleil pendant deux jours.
La laine est brossée puis rasée et vendue pour en faire du fil ou du rembourrage de coussin. La peau, elle, est plongée dans un bassin d’eau, puis de chaux et enfin de fiente de pigeons pour la débarrasser des résidus de chaux, ce qui ne manque pas de créer des odeurs... pas toujours très sympathiques. A la tannerie, on a tous les sens en éveil... On vous proposera peut-être un bouquet de menthe à garder sous le nez !
Suit un traitement dans du son, puis dans un bassin d’écorce de mimosa, pendant six jours. Une lame incurvée débarrasse la peau des tissus sous-cutanés. La peau est enfin mise à sécher au soleil et régulièrement humidifiée pour qu’elle garde son élasticité. Au terme de toutes ces opérations, le prix d’une peau varie entre 100 et 120 dirhams.
La tannerie de Taroudant ne manque d'authenticité. On y voit des coqs et des chèvres (nos photos), qui y vivent tout à fait librement ! Assez sympa...
Il n'en reste pas moins que les installations roudanaises nécessiteraient des travaux, comme la réfection du dallage du sol et l'adduction des eaux usées. Le président de l’association des tanneurs de Taroudant, Jilali Guouar, les appelle de ses voeux, ainsi que l'ouverture d'un marché de peaux, pour permettre aux tanneurs de s’approvisionner sur place, plutôt qu'à Marrakech ou à Meknès.
Les peaux de Taroudant sont transformées en sacs à main, en babouches, en ceintures, voire en vestes de cuir style Davy Crockett, qu'on peut acheter sur place, dans une boutique que nous recommandons et où l'on peut réaliser d'excellentes affaires (première photo).
La tannerie vend aussi les peaux sous forme de tapis ou de compositions originales. Celle que l'on voit au centre de la deuxième photo se trouve maintenant dans la chambre Taroudant du Jardin aux Etoiles, qu'elle illumine. Bravo à l'artisan qui a réalisé ce magnifique patchwork !
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