La famille de Thami El Glaoui, ancien pacha de Marrakech, est redevenue propriétaire des biens qu'elle possédait à l'époque du Protectorat française et qui lui avaient été enlevés, à la suite de la mort du chef des Glaoua, en janvier 1956. Toutes les incroyables kasbahs construites du temps de la splendeur de Madani El Glaoui, puis de son frère Thami ne sont donc plus en mains de l’État, mais en mains privées. Ce qui n'empêche pas que ces trésors architecturaux, comme celui de Taliouine, continuent de mourir à petit feu.
Commençons par situer Abdouh El Glaoui dans l'arbre généalogique des Glaoua. Légalement, il est le petit-fils de Thami El Glaoui. A la mort du caïd Hammou El Glaoui, lui-même neveu du pacha et très proche de ce dernier, son fils, qui était le père d'Abdouh, fut adopté officiellement par le pacha, alors qu'il avait six ans. Vous avez suivi ?
"Entêtement" des cohéritiers
Le 18 novembre, Abdouh El Glaoui a apporté un témoignage important sur Facebook. Confirmant que ces kasbahs familiales ont été restituées il y a quelques années dans un piteux état, il a déclaré que, malheureusement, les héritiers s'entendent très peu sur la gestion de ce patrimoine.
Appelée "Palais du Glaoui", la Kasbah de Telouet est tombée dans un état de décrépitude avancé. Cette forteresse comporte des bâtiments qui remontent, pour les plus anciens, au 19e siècle. Ce capital culturel et historique ne risque-t-il pas de s'effondrer sous l’usure du temps et des intempéries, avant de sombrer dans l’oubli ? Un monde sépare ces ruines du Palais de la Bahia qui, lui, a bénéficié des fonds publics pour retrouver toute sa beauté.
En réponse aux questions que je me suis permis de lui poser, Abdouh El Glaoui a précisé : "La majorité de mes cohéritiers ne porte malheureusement aucun intérêt à ces kasbahs... J'ai tenté à plusieurs reprises d'amener des associations et organismes pour la rénovation de ces dernières, qui restent, qu'on le veuille ou non, un patrimoine architectural unique pour le Maroc. Je me suis heurté à l'entêtement de certains de mes cohéritiers qui disent que nous n'avons besoin de personne. Dommage !"
La construction dite moderne défigure l'héritage
Abdouh El Glaoui a aussi expliqué pourquoi les kasbahs ont perdu de leur intérêt, au fil du temps. Selon lui, "ces villages, à l'époque, vivaient pour la plupart grâce aux différentes kasbahs qui les surplombaient : les hommes dans les champs, les femmes dans la kasbah. Aujourd'hui, tout ceci n'existe plus et ces villageois qui vivaient jusqu'à il y a environ 15 ans de leur cultures et leur élevage se sont "modernisés".
Le représentant de la famille des Glaoua observe à juste titre que ces villageois "ont mis du béton partout, signe de réussite et de richesse" à leurs yeux, alors que la construction dite moderne défigure gravement villages, bourgs et villes.
La kasbah de Tifoultout est un exemple de ce malheureux phénomène. Abdouh El Glaoui déplore que "le village a été construit de toutes parts en brique" et que "la kasbah familiale subsiste péniblement au milieu des antennes réseaux". Et d'ajouter, et on le comprend : "Quelle tristesse de voir notre patrimoine se détériorer sans que personne ne s'en soucie".
Les photos de la kasbah de Tifoultout que diffuse Internet montrent plutôt la beauté du lieu, (deux premières photos ci-dessus), ce qu'on peut comprendre. La troisième confirme toutefois les dires d'Abdouh El Glaoui quant aux constructions dites modernes et aux antennes.
Taliouine : des "squatteurs"
La kasbah glaoui la plus proche du Jardin aux Etoiles est celle de Taliouine, dont je parle abondamment sur ce site, et qui se trouve malheureusement dans un fort mauvais état. Les murs qui subsistent sont toutefois admirables (première photo). L'état dégradé de la kasbah se remarque surtout à l'arrière et sur les côtés (deuxième photo).
Abdouh El Glaoui me fait remarquer que les "squatteurs" de cette kasbah ne sont ni locataires ni propriétaire. Il se trouve effectivement qu'une famille a construit un gîte côté ouest, blanchi à la chaux, à l'enseigne d'Escale Rando, prétendant en être propriétaire (troisième photo). J'ai posé la question sur place et ses représentants m'ont confirmé cette prétention.
Abdouh El Glaoui réplique de son côté qu'ils pourraient au moins en contrepartie de leur exploitation donner un coup de main pour retaper un peu cette structure en attendant un accord familial pour la rénovation de toutes ces kasbah à l'abandon. Il continue en tout cas de se battre pour refaire vivre tous ces lieux. Honneur à lui.
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